La Maison Bastet
Christophe Blanquie
La pluie encore et l’attente. Car un bon agent immobilier attend le moment. À mon
sens, nous ressemblons à des pêcheurs, excepté que nous appâtons si peu que ce n’est
pas la peine d’en parler. Des pêcheurs, nous possédons la patience parce que, comme
eux, nous faisons partie du paysage.
Me voici tapi dans le décor. J’attends.
Le secret est d’oublier qu’on attend, sinon on ferre trop tôt. Pour oublier, rien de mieux
que de préparer d’autres affaires, de monter les dossiers, de prévoir les hypothèses.
Je ne l’attends plus. Je le sens à la gaieté indifférente avec laquelle je passe d’un bien
à un autre – on a plaisir au coup de main, y compris lorsque l’on lance sa ligne pour
rien. Je viens de raccrocher, je mets une fiche à jour. Et je n’entends pas.
— J’ai frappé pourtant.
Elle est revenue. Je vais connaître le fin mot sur la Maison Bastet. Nous prenons
place dans les fauteuils visiteurs. J’ai une conscience extrême de la douceur du cercle
de lumière ainsi que de ma curiosité. D’ailleurs, je ne lui propose rien.
— La Maison Bastet m’a toujours plu. Je voudrais la racheter. Pourriez-vous mener
la négociation ?...
…J’ai besoin de savoir car désormais, tout sera une affaire de confiance. Elle doit me
laisser négocier au mieux de ses intérêts. Je lui expose ma stratégie et lui demande si
elle est d’accord
Pas facile le travail d’agent immobilier. Il faut jongler avec les vendeurs, les notaires et
surtout avec Macitoyenne dont le charme ne facilite pas les choses. Négociation,
évaluation, discussions, renégociation. Serons-nous prêts à temps ?
C’est un métier où il faut des nerfs solides.
Avec la finesse de ton qui le caractérise, Christophe Blanquie nous promène dans
l’univers feutré d’une agence immobilière, où le jeu ressemble à un poker menteur.
C’est une gourmandise littéraire à savourer lentement pour garder sa saveur en tête.
L’aventure douce dans une écriture recherchée…
Lecteur et écrivain, Christophe Blanquie aime tout particulièrement les histoires dont
ses personnages choisissent le dénouement. Romans ou nouvelles, il aime jouer avec
des styles différents. La Maison Bastet est son troisième recueil aux Editions Non 31.